Et voilà, Daîna se remet à pleurer. Parce que le vaisseau, après un terrible orage inexpliqué qui a empêché le départ pendant plusieurs heures est finalement reparti. Elle pleure parce que Jonathan est resté en Egypte et que l’on ne pourra sans doute jamais le récupérer. Tout ça à cause d’une maudite boîte de coca et de ce but qu’elle a marqué, à cause de cette bouche d’égout. Tout ça est de sa faute depuis le début. Et puis aussi à cause de cet homme au pistolet. Ca fait beaucoup de compléments de cause ( le maître venait d’en parler la semaine passée ). Elle a envie de bondir, de lui arracher son arme, mais Jim lui fait signe de se calmer. Tout n’est pas perdu.

Le vaisseau avait fini de vibrer. Une nouvelle image se dessinait derrière le grand hublot. Celle d’une grande place où se pressaient des milliers de gens. Une charrette essayait, tant bien que mal, de se frayer un chemin. Elle transportait un homme, vêtu d’une longue chemise blanche et l’amena à l’arrière du jardin des Tuileries, là-même où se dressait une machine infernale qui coupait les têtes. C’était Louis XVI que l’on amenait à l’échafaud pour être exécuté, pour complot contre le royaume de France et connivence avec l’ennemi autrichien.

Nous sommes le 21 janvier 1793, il est 10h00 .

Dans la cabine du vaisseau, le Redresseur du Temps s’agitait. Il était nerveux et son pistolet devenait de plus en plus menaçant.

- Bien, dit-il, vous allez suivre mes ordres. Donnez-moi les clefs de votre vaisseau, enfin, les clefs de la console de contrôle, celles qui permettent de le faire fonctionner .

Jordan, sous la menace du pistolet, retira une longue clef dorée du tableau de commande. Il la tendit au malfaiteur.

- Parfait. Maintenant, je vais devoir sortir un petit moment et vous laisser.

- Qu’allez-vous faire ? demanda soudain Jim.

- Je vous l’ai déjà dit. Je vais redresser l’Histoire. Je vais sauver le roi Louis XVI, il continuera à régner. Il ne sera pas exécuté par ces fous de révolutionnaires. Je serai récompensé, je gagnerai beaucoup d’or. La République ne sera pas, je gouvernerai la France, les riches vivront heureux et prospères et feront travailler les paysans !

- Vous êtes un fou ! répondit Jim. Je vous l’ai déjà expliqué mais vous ne voulez rien entendre. Vous risquez de perturber l’Histoire avec des conséquences qui peuvent être graves.

- Suffit ! Je commande ici ! J’ai les clefs et le pistolet. Je vous conseille de vous tenir tranquilles pendant mon absence. D’ailleurs, je n’en ai pas pour longtemps et je vais emmener cette enfant qui me servira d’otage.

Daîna recula vers le fond de la pièce. Le métal froid du canon du pistolet sur sa temps lui fit très peur. Elle se mit à crier, alors le malfaiteur lui donna une violent gifle, mais elle ne pleura pas, cette fois. Ses yeux se plantèrent dans ceux de son tortionnaire. Son regard disait : ‘ Tu ne perds rien pour attendre. Le maître m’a toujours dit que les méchants finissent par être punis d’une façon ou d’une autre. Ou encore, le maître s’en chargera ou mon père qui te passera l’envie de me taper ‘

- On y va, reprit le malfaiteur, évitant de toute évidence le regard de Daîna. Ne bougez surtout pas ou vous le regretterez ! J’en ai pour dix minutes, tout au plus.

Il ouvrit la porte de sortie et tenant fermement Daîna par le bras, il l’entraîna au dehors. Jim et Jordan pouvaient suivre les événements par le grand hublot.

Le Redresseur du Temps s’était placé parmi la foule, traînant Daîna par la main. Ils avançaient péniblement, se dirigeant vers l’échafaud où devait être exécuté le roi. Déjà Louis XVI avait eu les mains liées dans le dos, on l’avait placé sur la planche de bois de la guillotine, la tête passant dans un trou. Dans quelques instants, la lame d’acier allait tomber et couper la tête du roi. On attendait la fin du roulement des tambours. Le Redresseur du Temps leva le bras, visant de son pistolet l’homme qui devait actionner la guillotine. Son doigt allait presser la détente.

Dans cette foule immense, soudain, un chemin s’ouvrit. Un cavalier qui chevauchait à vive allure apparut. Il tenait à la main un rouleau de papier, une sorte de lettre. Le Redresseur du Temps fut déconcentré quelques secondes, le bruit des sabots le fit se retourner, mais il n’eut pas le temps de s’écarter suffisamment. Le cheval le heurta, il perdit l’équilibre, son pistolet lui fut arraché de la main. Daîna en profita pour s’esquiver, cherchant à rejoindre le vaisseau qui comme on le sait était invisible, lorsqu’une main, une autre, se posa sur son épaule.

Un homme de haute taille, qui se cachait derrière les derniers rangs de la foule la regardait à travers la visière dorée de son casque.

- N’aie pas peur, Daîna, tu n’as plus rien à craindre, c’est fini, le cauchemar est fini.

A côté de cet homme en combinaison blanche, une boule de tissu qui s’agitait, se démenait, en poussant des jurons. Une tête blonde émergea.

- Mais ? qu’est-ce que ?

- Plus tard, plus tard les explications, il faut d’abord filer. Jim et Jordan sont prêts à nous récupérer.

Phil prit la main de chacun des enfants. Un éclair blanc, aveuglant, et ils se retrouvèrent dans la cabine du vaisseau.

Alors cette fois, Daîna se mit à rire. Tout le monde était sain et sauf, le méchant était resté dehors.

A travers le hublot, les images continuaient à se succéder. Maintenant, un homme, debout sur l’avant de l’échafaud, tenait dans sa main la tête du roi Louis XVI que l’on venait de décapiter. La foule hurlait de joie.

- Vous voyez, les enfants, on ne refait pas l’Histoire.