CHAPITRE 11 / LA FORET DE MAUVALLON

 

VT11 ch11/La forêt de Mauvallon

Lorsque le soleil inonda la surface des hublots du ‘ Condor ‘, Daîna et Jonathan se réveillèrent, se frottant les yeux encore emplis de sommeil. La nuit leur avait paru courte mais bienfaisante. Daîna en avait profité pour réviser sa leçon de grammaire sur les compléments circonstanciels, elle avait d’ailleurs eu une bonne note et le maître l’avait récompensée en lui donnant une boîte de coca en forme de ballon de foot.

Quant à Jonathan, il avait rêvé d’une partie de pêche insensée lors de laquelle il plaçait des dizaines de lignes dans toutes les bouches d’égout de sa rue. Les cannes à pêche étaient reliées ensemble par une longue ficelle et lorsqu’un poisson d’égout venait à mordre, une sonnerie, ressemblant à celle de l’école se mettait en marche. Ce n’aurait pas été un problème si toutes ces cannes, ces fils et ces ficelles empêchaient les maîtres et les maîtresses de se garer sur le parking de l’école. Alors, ils et elles ouvraient les vitres de leurs voitures et montraient par la fenêtre les cartes vertes du permis à point. ( chaque élève de l’école dispose d’une carte de «  bonne conduite « . Y sont consignés les faits de bon ou mauvais comportement qui donnent lieu à des retraits ou des ajouts de points, menant à des sanctions ou des récompenses ).

Un nouveau petit déjeuner acheva de les remettre en forme. Ce n’est qu’une fois rassasié que Jonathan demanda :

- Où sommes-nous ? ou plutôt, quand sommes-nous ?

- En 1127, en plein Moyen-Age, dans le Périgord, c’est à dire une région du sud-ouest de la France. Il n’y a pas d’événement particulier à noter, quoi que, mais nous allons simplement vous faire visiter un château, le château de Mauvallon.

- Ah ! chouette ! s’écria Daîna, avec des soldats, des armures, des épées et des chevaux ?

- Sans doute, mais il va nous falloir prendre quelques précautions.

- De quel genre ?

- D’abord, vous équiper de combinaisons. Pour deux raisons : se protéger du froid, nous sommes en plein hiver et se rendre invisibles.

- Ah non ! cria Jonathan. Je ne remets pas ce sac à patates.

- Ne t’inquiète pas, annonça Phil qui venait d’entrer dans la pièce, j’ai passé la nuit à retailler deux combinaisons de secours, je crois qu’elles devraient vous convenir.

A travers le grand hublot, on commençait à discerner le panorama. Un paysage fait de collines de hauteur moyenne, une vaste forêt, un ciel d’un bleu parfait. Plus loin, à quelques kilomètres, on distinguait les hautes tours d’un château fort de belle envergure. Le tout recouvert d’un épais tapis de neige renvoyant la lumière du soleil levant et donnant à l’ensemble une beauté sans pareille.

Chacun avait revêtu sa combinaison protectrice. Les trois hommes s’étaient munis de pistolets aux formes bizarres. Jordan avait expliqué qu’il s’agissait d’armes inoffensives qui ne tuaient pas mais endormaient seulement. De plus, chacun était équipé d’une petite radio pour communiquer avec les autres membres du groupe et d’un boîtier de récupération et de localisation si on venait à le ‘ perdre ‘. Daîna, regardant Jonathan à travers la visière de son casque se mit à rire.

- Si les copains te voyaient !

Jonathan ne releva pas le compliment et attendit le signal de sortie. Avant d’ouvrir la porte par laquelle il avait plongé déjà une fois, Jim bloqua les commandes du ‘ Condor ‘, glissa la grande clef dorée dans l’une de ses poches à fermeture magnétique et s’assura du bon fonctionnement de tous les instruments mis en état de veille.

- On peut y aller, une petite marche nous dégourdira les jambes.

Il leur suffit de plonger sans crainte par la porte ouverte et il se retrouvèrent au Moyen-Age, les jambes enfoncées dans la neige jusqu’au-dessus des chevilles. Daîna n’en revenait pas, elle qui n’osait même pas plonger dans l’eau de la piscine..

Ils ne sentaient pas le froid, ils se voyaient, mais ne pouvaient être vus, ils pouvaient communiquer à l’aide de leurs radios. Quant au ‘ Condor ‘, on ne remarquait pas sa présence.

- Bien, annonça Jordan, prenant la tête de la petite équipe. Nous allons nous diriger vers le château. Vu la distance, dans deux heures au plus nous y serons, si vous marchez d’un bon pas bien sûr. Jonathan bomba le torse, Daîna fit la grimace.

Entre eux et le château, la forêt, blanche, serrée, laissant deviner des arbres majestueux, des hêtres, des chênes, des châtaigniers dont les branches dégarnies en cette saison étaient recouvertes d’une fine pellicule de glace. La lumière du soleil montant traversait les cristaux et renvoyait autant de rais de lumière irisée.

En un peu moins d’un quart d’heure, ils atteignirent l’orée de la forêt. Finalement, la neige, bien poudreuse, ne rendait pas la marche trop difficile.

- Doit pas faire chaud, remarqua Jonathan.

- 15 degrés sous le zéro, répondit Jim.

- Il aurait fallu nous prévenir, ironisa Daîna. Nous, dans la rue, lors de la partie de foot, on était habillé plutôt léger !

- Tu as raison, la prochaine fois on te passera un coup de fil et tu iras chercher un anorak !

Et tous rirent de bon cœur.

Maintenant, ils avaient pénétré dans la forêt. Les arbres aux branches nues n’empêchaient pas la lumière de passer. Ils constatèrent, malgré l’apparence de forêt serrée, qu’il était finalement assez aisé de circuler entre les arbres. Jonathan, qui marchait en fin de colonne et ne perdait pas une miette du paysage, appela soudainement ses compagnons.

- Alors ? vous faites de la marche sans observer ?

- Qu’est-ce que tu as découvert ? demanda Phil.

- Là, des traces, des traces de pattes, comme des pattes de chien.

- De chien ? Non, Jonathan, répondit Jordan en se penchant pour mieux observer, des pattes de loup.

- Des loups ?! cria Daîna qui commençait à avoir peur.

- Oui, des loups. Mais ne t’inquiète pas et rappelle toi que tu es invisible. Tiens, les voilà.

En effet, à une cinquantaine de mètres, une horde de loups surgit. Elle était emmenée par un superbe mâle au long poil gris cendré d’un bon mètre de haut et devant peser dans les quatre-vingts kilos. La meute, composée d’une vingtaine de spécimens, trottait à vive allure et passa à quelques mètres des compagnons sans réaction particulière. Ils disparurent sur la gauche, derrière un ensemble de hêtres. Daîna fut rassurée.

- Tu vois, Daîna, ils ne nous ont pas repérés. Tu n’as rien à craindre. Mais au moins tu pourras te vanter d’avoir vu de près des loups, des vrais loups du Moyen-Age, en liberté, se déplaçant en groupe comme à leur habitude, à la recherche de nourriture.

- Qui ne doit d’ailleurs pas manquer, ajouta Phil. Ces gaillards n’avaient pas l’air maigrichons. M’est d’avis que le gibier ne doit pas manquer dans les parages.

Comme pour répondre à sa judicieuse remarque, on entendit, sur la gauche, du côté où les loups avaient disparu, le cri lugubre et angoissant d’un animal aux abois.

- Un cerf, un cerf, dit Jonathan. J’ai déjà entendu ça lorsque je me promenais avec mon père dans la forêt.

- Bien vu petit, oui, un cerf, et je crois qu’il a de sérieux ennuis.

Chacun avait compris de quoi il retournait. Aussi, sans qu’il soit nécessaire de se concerter sur la marche à suivre, ils gagnèrent rapidement l’endroit d’où provenaient les cris.

Ils atteignirent les grands hêtres. Au centre, une clairière d’une trentaine de mètres de diamètre. Un grand cerf rouge, magnifique, solide, aux bois majestueux, faisait face, si l’on peut dire, aux carnassiers qui l’entouraient. A tour de rôle, les loups venaient mettre un coup de mâchoire dans les jarrets du cervidé qui malgré ses esquives et ses tentatives de défense commençait à s’épuiser.

- Il faut faire quelque chose ! hurla Daîna. Faites quelque chose !

- Oui, ajouta Jonathan, avec vos pistolets magiques, là, pour endormir. Endormez les loups, le cerf pourra se sauver.

- Tu sais bien, Jonathan, que nous ne pouvons intervenir. Que ce soit les hommes ou les animaux, l’Histoire doit être et sera. Même pour ce qui concerne ce brave cerf, nous ne pouvons rien faire.

Alors, à l’opposé de la clairière, on entendit le bruit classique de sabots de chevaux foulant la neige fraîche. Un bruit étouffé, ouaté, mais suffisamment audible pour ne laisser aucun doute.

Les loups, qui avaient l’ouïe très fine, avaient compris le danger et se regroupant rapidement derrière leur chef, disparurent sans demander leur reste, laissant leur proie à ses quelques blessures légères. Le cerf, lui aussi, profita de l’aubaine et, retrouvant de nouvelles forces, s’élança dans le sous-bois et disparut.

Le bruit des chevaux se fit plus proche et tout à coup, un groupe d ‘une douzaine de cavaliers fit son apparition dans la clairière. Ils étaient vêtus d’armures noires, portaient des casques mordorés et les épées pendaient sur le côté de la selle. Sur le bouclier qu’ils tenaient en main, un faucon noir sur fond pourpre. Les chevaux hennissaient, les armes cliquetaient, le spectacle était hallucinant.

- Encore mieux qu’au cinoch ! s’exclama Jonathan.

- Oui, super, ajouta Daîna, bien qu’elle ne fût pas complètement rassurée.

 

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